C’est un nou­v­el out­il dans la panoplie du polici­er 2.0. Une caméra de type GoPro, accolée à un boîti­er équipé d’un petit écran pour le retour vidéo. Le tout, à peine plus grand qu’un paquet de cig­a­rettes, est fixé par un har­nais à l’épaule du polici­er. Désor­mais, il fau­dra s’habituer à crois­er des patrouilles équipées de ce dis­posi­tif : la caméra piéton.

Jusqu’à présent, l’équipement était expéri­men­té par 200 patrouilles déployées dans des zones urbaines sen­si­bles (ZUS). A l’automne dernier, le Pre­mier min­istre, Manuel Valls, avait annon­cé aux Mureaux (Yve­lines) que la caméra pié­ton don­nait des résul­tats sat­is­faisants, et qu’elle serait donc général­isée. Ce qui a été fait le 4 mars 2016, lorsque les députés ont adop­té l’extension du dis­posi­tif à toutes les patrouilles de gen­darmerie et aux polices nationale et munic­i­pale. 4 500 caméras devraient être achetées à Exav­i­sion, un fab­ri­cant français. A 1 000 euros pièce, l’in­vestisse­ment sera con­séquent (4,5 mil­lions d’euros).

4,5 mil­lions d’eu­ros : l’in­vestisse­ment con­sen­ti par les forces de l’or­dre pour s’équiper de caméras

Une expéri­men­ta­tion pos­i­tive pour la police

La caméra pié­ton est util­isée lors d’in­ter­ven­tions de police, notam­ment pour les con­trôles d’i­den­tité. Les images sont enreg­istrées et peu­vent être visu­al­isées ultérieure­ment au com­mis­sari­at. L’ob­jec­tif : apais­er les rela­tions entre les forces de l’or­dre et la pop­u­la­tion. La démarche est donc dou­ble : d’un côté, empêch­er les com­porte­ments insul­tants envers les policiers ; de l’autre, lim­iter les déra­pages ver­baux et dél­its de faciès de la part des forces de l’ordre.

Lors de la phase expéri­men­tale, c’est le polici­er qui décidait seul du déclenche­ment et de l’ar­rêt de la caméra pié­ton. Mais la per­son­ne con­trôlée ne pou­vait ignor­er que la caméra fonc­tion­nait, le retour vidéo per­me­t­tant à l’in­di­vidu de se voir en direct.

A l’is­sue de l’ex­péri­men­ta­tion, la direc­tion générale de la police nationale (DGPN) a établi un rap­port interne, dans lequel il salue le dis­posi­tif : « L’effet mod­éra­teur du dis­posi­tif est unanime­ment con­staté ; il per­met d’apaiser une sit­u­a­tion ten­due ou qui tend à se dégrad­er. La caméra pié­ton représente un out­il utile pour l’identification de mis en cause et per­met d’accréditer les pro­pos des policiers lors des inter­pel­la­tions, notam­ment pour les faits d’outrage et rébellion. » 

La caméra pié­ton peut engen­dr­er des com­porte­ments agres­sifs. La DGPN

La DGPN juge que la per­cep­tion de l’outil par la pop­u­la­tion est glob­ale­ment posi­tif : « La pop­u­la­tion s’est rapi­de­ment habituée à la présence de la caméra. Désor­mais, les indi­vidus ne cherchent plus à se dis­simuler ou à s’extraire du champ. » Cepen­dant, la caméra pié­ton « peut engen­dr­er des com­porte­ments agres­sifs, notam­ment dans un con­texte de phénomènes de groupes ou lorsque l’enregistrement est déclenché dans une sit­u­a­tion déjà dégradée. L’éclairage de l’écran avec retour vidéo vis­i­ble peut être ressen­ti comme une provo­ca­tion par les indi­vidus et accentuer les ten­sions existantes. »

« Cela ne résout pas le prob­lème du con­trôle au faciès »

Mais pen­dant l’ex­péri­men­ta­tion, le con­seil d’E­tat a recom­mandé au gou­verne­ment de pré­par­er une loi pour ren­forcer l’en­cadrement de l’u­til­i­sa­tion de la caméra pié­ton. L’ar­ti­cle 32 du pro­jet de loi anti-ter­ror­iste adop­té début mars par l’Assem­blée nationale con­tient ces dis­po­si­tions. Ain­si, le polici­er doit prévenir la per­son­ne con­trôlée avant le déclenche­ment de la caméra pié­ton, et les images enreg­istrées doivent être détru­ites au bout de six mois. La caméra peut aus­si être déclenchée à la demande de l’in­di­vidu con­trôlé, par exem­ple s’il sent que l’a­gent a un com­porte­ment abusif. « Une manière d’équili­br­er le rap­port de force », selon un mem­bre du cab­i­net de Bernard Cazeneuve.

Le dis­posi­tif est cen­sé pro­téger les citoyens, comme les policiers.Sli­mane Tirera

Sli­mane Tir­era est le coor­di­na­teur nation­al de La Mai­son des Potes, une asso­ci­a­tion qui aide au développe­ment des quartiers pop­u­laires et lutte con­tre les dis­crim­i­na­tions. Il juge que la caméra pié­ton « est un bon com­pro­mis car les abus peu­vent venir des deux côtés. Cela pro­tège les citoyens, mais aus­si les hon­nêtes policiers qui ne sont pas tous pourris. »

Mais selon Sli­mane Tir­era, la caméra pié­ton « ne résout pas la ques­tion sen­si­ble du con­trôle d’i­den­tité au faciès. La présence de la caméra n’empêche pas le con­trôle répété de per­son­nes selon leur orig­ine ou leur couleur de peau. Il faut com­bin­er ce dis­posi­tif au récépis­sé prou­vant qu’un indi­vidu a été con­trôlé. » La Mai­son des Potes milite depuis plusieurs années pour l’in­stau­ra­tion du récépis­sé. Une solu­tion promise par le can­di­dat François Hol­lande en 2012, et qui reste pour le moment let­tre morte.

Crédits pho­to : Clé­ment Lauer